Le départ se fait de bon matin, depuis Annot, encore calme sous la lumière dorée d’un début d’automne. Le sentier s’élève aussitôt dans la châtaigneraie, vaste et odorante, où les bogues ouvertes révèlent des trésors bruns et luisants. Très vite, les sacs se remplissent de châtaignes — promesse d’un feu gourmand plus tard dans la journée.
En progressant sous les grands arbres, la chance sourit encore : un coin humide, un rayon de soleil filtrant, et soudain, tout un parterre de coulemelles se dresse, hautes et élégantes, comme un petit peuple forestier. Le sol en est couvert. On s’affaire joyeusement, panier en main, à ramasser cette abondance : de quoi parfumer les repas des jours à venir. La forêt devient alors un lieu de fête silencieuse, rythmé par le froissement des feuilles et le glissement des lames dans l’humus.
La montée se poursuit dans une clarté limpide, presque cristalline. On débouche bientôt sur une dalle de grès ensoleillée, suspendue au-dessus de la vallée de la Béïte, large et paisible. C’est là qu’on s’installe pour déjeuner, face au vent léger et aux montagnes qui se déploient à l’horizon.
Après la sieste, place au feu. Sur un trépied de barbecue conçu pour ne laisser aucune trace, quelques flammes s’élèvent, nourries de bois sec. Les châtaignes ramassées le matin crépitent dans la poêle, éclatant parfois d’un petit bruit joyeux. L’odeur se mêle à celle du grès chaud, du vent et du feu.
La descente vers Le Fugeret se fait dans une lumière douce, entre pins et blocs ocre. Le petit train des Pignes attend en contrebas, serpentant dans la vallée comme un fil tranquille ramenant au village.
De retour à Annot, la journée s’achève autour d’un verre de l’amitié, sur la place animée. On refait le chemin en paroles, les mains tachées de terre, le cœur léger, avec dans les sacs les coulemelles du matin et le souvenir d’une journée simple, lumineuse, et pleine de saveurs d’automne.
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